Lundi soir
Tu vois, maintenant la peur touche ton cœur,
et parfois le monde semble n’être que lointaines nouvelles ;
pour toi les vieux arbres montent la garde sur ton enfance
comme une mémoire de plus en plus ancienne.
Entre matins méfiants et nuits pleines de pressentiments
tu as vécu la moitié de ta vie au milieu des guerres,
et maintenant encore une fois des pointes dressées de baïonnettes
un ordre étincelle vers toi.
En rêves, parfois le paysage se dresse encore devant toi,
la maison de ta poésie, où le parfum de la liberté
flottait sur les prairies, et le matin quand tu t’éveillais,
tu portais avec toi l'odeur.
Parfois, lorsque tu travailles, toi à demi assis, toi effrayé,
à ton bureau. Et c'est comme si tu vivais dans la boue molle ;
ta main, ornée d'une plume, se déplace de plus en plus lourdement
de plus en plus gravement.
Le monde se transforme en une autre guerre, un nuage affamé
gobe la douceur bleue du ciel, et comme l’ombre gagne,
ta jeune femme met son bras autour de toi.
Radnóti Miklós. 1935-1936
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