À l'espoir
Apparition céleste
qui joue avec les mortels,
toi qui a l'apparence d'une divinité,
trompeur et aveugle espoir!
Toi que se crée pour lui-même
le malheureux,
le courtisant sans cesse
comme son ange gardien. -
Que me fais-tu miroiter avec ta bouche lisse?
Pourquoi ris-tu à mon intention?
Pourquoi distilles-tu en moi goutte à goutte,
même maintenant, une bonne humeur suspecte?
Reste donc tout seul!
Tu as été celui qui m'encourageait;
j'ai cru à tes belles paroles:
tu m'as quand même trompé..
Tu as planté de narcisses
tout mon jardin;
tu as vivifié mes arbres
de torrents murmurants;
tu as répandu le printemps
sur moi avec mille fleurs,
et tu as agrémenté cela
d'un bonheur céleste.
Mes pensées, tous les matins,
comme l'abeille alerte,
avec la chaleur nouvelle, voletaient
vers mes roses.
Je connaissais un seul manque
à mes joies encore:
j'ai demandé le cœur de Lilla;
et le ciel me l'a donné.
Hélas, comme mes roses fraîches
se sont fanées!
mes sources, mes arbres verts
se sont desséchés;
mon printemps, ma gaieté
se sont transformés en tristesse d'hiver;
mon beau monde ancien
est passé à qui ne le méritait pas.
Oh, si seulement tu m'avais laissé
Lilla, elle seule:
maintenant mon chant ne se ferait pas
plainte douloureuse.
Entre ses bras
j'oublierais les chagrins,
et je n'envierais pas
les couronnes de perles.
Laisse-moi, toi l'Espoir!
laisse-moi tranquille;
parce que cette dureté
m'enterrera de toute façon.
Je le sens: dans ce désespoir,
ma force passée m'abandonne,
mon âme fatiguée désire le ciel,
mon corps la terre.
Pour moi le pré est déjà nu,
le champ brûlé,
le bois sonore est désert,
le jour passé en nuit. -
Vous les doux trilles enchanteurs!
les imaginations bariolées!
la bonne humeur! les espoirs! les Lilla! -
je vous dis adieu!
Csokonai Vitéz Mihály, 1803
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