Ma fiancée
Que m'importe qu'elle soit le rebut des coins de rues,
Pourvu qu'elle me soit jusqu'en ma tombe assidue !
Qu'elle se plante devant moi dans l'été brûlant, bouillant :
« Toi, je t'aime, c'est toi celui que j'attends. »
Oui, reniée, chassée à coups de pieds, débauchée !
Seulement, ô dans son cœur de temps en temps regarder !
Si de brutes bourrasques nous surprennent blasphémants,
Qu'ensemble nos pieds aillent croulant, s'écrasant.
Si à telle ou telle heure nos âmes sont des comblées,
Ne trouvons que sur nos lèvres nos saluts et voluptés.
Si je me vautre dans la poussière de la rue, là en bas,
Qu'elle se penche sur moi, me protège de ses bras.
De part en part si me purifie un saint brasier,
Survolons l'univers à coups d'ailes mêlés.
Qu'à jamais elle me baise, amante jamais changée,
Dans les larmes, l'ordure, la souffrance, la saleté.
Que tout règne où mes songes se sont anéantis
Me soit rendu par Elle : que soit Elle la Vie.
Je vois en visage d'ange son visage fardé :
Mon âme y gît, avec mes jours de vivant, de décédé.
Fracassant jusqu'au dernier décalogues, enchaînements,
Mortellement nous raillerions le monde grouillant.
Ensemble nous raillerions en signe d'ultime adieu ;
Nous péririons ensemble, l'un pour l'autre restant dieu.
Nous péririons avec ce cri :
« Crime et infamie est la vie,
Nous deux nous étions, seuls, propreté, neige blanche. »
Ady Endre. 1906
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