Adressé aux grues
Tous les jours de bon matin,
vous vous envolez par là
en poussant des cris, vous mes grues!
En vous regardant,
d'amertume, des larmes
tombent de mes yeux,
Du fait que ma belle
me vient à l'esprit,
mes souffrances se renouvellent.
Je vois que vous avez
dirigé votre route
vers le pays
Où vit celle qui a
enfermé auprès d'elle
mon cœur gai.
De moi qui l'ai
servie fidèlement,
est-ce que parfois elle se souvient?
Je me cache comme un orphelin,
perdu en pays étranger
comme un pèlerin,
Dans mes vêtements une couleur sombre,
dans mon cœur une souffrance terrible,
voilà ce que je porte et comment je suis en deuil,
Je n'ai pas d'ailes comme toi,
sur lesquelles aller avec toi
chez celle que je désire.
Tu as des ailes, tu voles,
et aussi tu te poses et t'assois
dans son pays là où tu veux,
Tu apaises ta soif
avec son eau pure
coulant d'une jolie source,
Tu vois la région de mon bonheur,
sa demeure à elle:
le Paradis.
Mais ne te dépêche pas, s'il te plaît,
que je lui envoie par toi
un message en peu de mots,
Ou si ce n'est pas possible,
que j'écrive simplement mon nom
sur ta poitrine avec mon sang,
Ce par quoi elle pourra reconnaître
que c'est seulement pour elle
que je supporte tout avec bonne humeur.
Que le bon Dieu
lui donne la santé,
une vie gaie et longue,
Comme les champs ornés de fleurs,
qu'elle soit ornée de ses nombreux bienfaits
et qu'il la comble en tout;
Que même sur ses traces
les roses poussent au printemps
- et qu'elles m'attristent moi!
Dans toutes mes guerres
et mon existence de fugitif,
lorsqu'il m'arrivait de voir des grues
Voler en bon ordre
et se diriger
vers là où vivait la belle Julia,
Poussant haut des soupirs
et criant après elles,
c'est là le message que je leur ai confié.
Balassi Bálint. 1589
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