MARCHE FORCEE
Bien fou celui qui, tombé
qui meurt, errante douleur,
mais lui se remet en route
rester, il n'ose le faire,
si l'on demandait pourquoi,
de la femme qui l'attend,
mais c'est encor, le crédule,
sur nos maisons ne circule
les murs ne sont que décombres,
d'horreur, la nuit familière
Que ne puis-je y croire encore !
ce qui fait le prix de vivre,
notre vieille véranda
où refroidissaient les pots
les derniers feux de l'été,
les vergers ensommeillés
Fanny qui m'attend si blonde
à tracer de lentes ombres
oh oui, c'est possible encore !
attends-moi ! Crie après moi !
repart et marche avec nous,
ses chevilles, ses genoux,
comme un que porte des ailes,
en vain le fossé l'appelle,
peut-être parlerait-il
d'un beau trépas plus subtil,
être fou : depuis le temps
que le vent, le vent brûlant,
le prunier, brisé, n'est plus,
est comme un monstre velu.
Ce n'est plus qu'un souvenir,
la maison où revenir,
si fraîche où l'abeille rôde
tout remplis de reines-claude,
les fruits nus qui se balancent,
de soleil et de silence,
sur la rousseur de la haie;
s'attarde la matinée.
La lune est si ronde ! Ami,
Je me relève, et je te suis !
Miklós Radnóti.
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