Aube sur les boulevards
Le petit jour était gris sale. Les boutiques
Dormaient encore, les yeux vitreux. Mal réveillés,
Les concierges poussaient, d'un balai lymphatique,
Djinns de mauvaise humeur et lutins lunatiques
Dans le désert pierreux, poussière, vieux papiers.
Entre deux pans de mur, soudain l'on vit paraître
Et brûler de la braise au ciel de l'Orient.
Par cent soleils brisés, flambèrent cent fenêtres.
Sur les trottoirs crasseux, alors s'éparpillèrent,
De l'infinie clarté, mille clairs diamants.
La rue fut subjuguée. Un acacia svelte
S'enivra goulûment de soleil, et là-haut
L'on put voir frémir dans sa chevelure verte
Une grappe de pâles fleurs, à peine ouvertes :
Tout le frêle trésor de son printemps nouveau.
A la clarté, personne ne répondait mot.
La joyeuse alouette des couleurs s'y mit !
Puis dans une vitrine une cravate mauve
Qui se mit à chanter ! Un peu plus tard, la grosse
Et creuse voix des cloches s'en mêla aussi.
Au loin gémit une sirène dans l'aurore,
Un tram grinçant au carrefour surgit alors.
La journée commençait son train-train ordinaire.
Sur la petite main d'une jeune ouvrière,
Nul ne vit le soleil jeter un baiser d'or.
Arpád Tóth (1923)
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